« Qui s’expose à dire la vérité doit s’attendre à la haine des hommes. »
Malesherbiana, ou Recueil d’anecdotes et pensées de Chrétien-Guillaume de Lamoignon-Malesherbes (1802)
Malesherbes se promenait souvent dans ses bois. Un jour dans une de ses courses solitaires il aperçut un jeune homme assis sous un arbre , un livre à la main. Il s’approche de lui, et après lui avoir adressé quelques paroles honnêtes il lui dit : « Serait-ce une indiscrétion , monsieur de vous demander ce que vous lisez ? »
– C’est Télémaque.
– C’est le livre des rois, des ministres et de tous les gouvernants.
– Et qui plus est, c’est un roman.
– Que de livres de morale ne valent pas le roman.
– Cet ouvrage ne peut être utile qu’à ceux qui sont appelés à gouverner les empires.
– Que dites-vous? Tous les devoirs des diverses classes de la société y sont traçés en style de feu ; tout s’électrise sous la plume de Fénélon ; tout prend un corps, un âme
– Il y a pourtant dans ce roman des détails minutieux, et indignes de la majesté du sujet.
– Cela est vrai, mais ces détails, tout minutieux qu’ils sont, ont un degré d’utilité qui ne peut être senti que par peu d’hommes.
– Et pourtant Fénélon fut disgracié !
– Cela devait être. Toutes les fois qu’on s’expose à dire la vérité, il faut s’attendre à la haine des hommes,