Tant que les philosophes ne seront pas rois, ou que ceux qu’on appelle aujourd’hui rois et souverains, ne seront pas vraiment et sérieusement philosophes ; tant que la puissance politique et la philosophie ne se trouveront pas ensemble, et qu’une loi supérieure n’écartera pas la foule de ceux qui s’attachent exclusivement aujourd’hui à l’une ou à l’autre, il n’est point […] de remède aux maux qui désolent les États, ni même, selon moi, à ceux du genre humain, et jamais notre État ne pourra naître et voir la lumière du jour.
Voilà ce que j’hésitais depuis longtemps à dire, prévoyant bien que je révolterais par ces paroles l’opinion commune ; en effet il est difficile de concevoir que le bonheur public et particulier tienne à cette condition. […] Si nous voulons nous sauver des mains de ceux qui nous attaquent, il me semble nécessaire de leur expliquer quels sont les philosophes à qui nous osons dire qu’il faut déférer le gouvernement des États ; afin qu’après les avoir bien fait connaître, nous puissions nous défendre et montrer que c’est à de tels hommes qu’il appartient naturellement de se mêler de philosophie et de gouvernement, et que tous les autres ne doivent prétendre ni à philosopher ni à gouverner.
Platon (c. 428-347 av. J-C.) – La République, Livre V