« LES CONTRÔLEURS DE L’OMBRE » – un documentaire réalisé par Régine ABADIA – Écrit par Carmen CASTILLO et Régine ABADIA (52′) – Une coproduction Arturo Mio/LCP-Assemblée nationale. Avec le soutien de Pictanovo, la Procirep et la participation du CNC. En partenariat avec l’Administration pénitentaire. – LCP
Prisons, hôpitaux psychiatriques, commissariats, centres de rétention administrative, centres éducatifs fermés… Ce film suit la Contrôleure générale, Adeline Hazan, ainsi que plusieurs équipes du CGLPL** dans trois missions : deux hôpitaux psychiatriques et une prison. Ils sont à l’écoute de ceux qui sont enfermés, mais aussi de ceux qui travaillent dans les lieux d’enfermement, pour détecter et dénoncer des situations indignes. Réfléchir et proposer des alternatives à l’enfermement fait également partie de leurs prérogatives. Dans une société qui a tendance à incarcérer de plus en plus, ils sont les vigies indispensables, et luttent pour que les lieux de privation de liberté ne soient pas des zones de non droit.
« Ce n’est pas parce qu’une personne est privée de sa liberté de circulation à un moment ou à un autre dans son parcours de vie qu’on doit lui enlever sa dignité et on s’aperçoit que très souvent dans les lieux de privation de liberté, soit par manque d’effectif, soit par manque de temps, soit par la volonté de prendre le moins de risques possibles, soit par la volonté d’assurer une sécurité maximale, on en oublie la dignité des personnes ».
Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté
Régine Abadia et Carmen Castillo ont suivi le travail d’Adeline Hazan, contrôleuse générale, qui veille au respect des droits fondamentaux des détenus et des patients.
C’est un voyage instructif dans trois lieux où la liberté individuelle peut être mise en danger : un centre psychothérapeutique, un centre hospitalier et une maison d’arrêt. L’idée, aussi simple qu’efficace, est de suivre le travail sur le terrain d’Adeline Hazan, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL, autorité administrative indépendante née en 2007), et d’une quinzaine de membres de son équipe.
Parmi eux, des médecins, des psychiatres, des magistrats, des directeurs d’établissements pénitentiaires. Leur mission : veiller à ce que les droits fondamentaux des personnes privées de liberté soient respectés. Puis établir des rapports enrichis de recommandations pour améliorer des situations souvent scandaleuses. Nommée en juillet 2014 à ce poste, la magistrate Adeline Hazan parle de sa mission avec clarté : « L’individu qui est privé de liberté reste un citoyen… Nous vérifions que les endroits que nous visitons ne sont pas des zones de non-droit. »
La caméra suit au plus près ce travail d’inspection. Trois ans après une première visite au cours de laquelle de graves dysfonctionnements avaient été listés, une équipe de la CGLPL est de retour au centre psychothérapeutique de l’Ain à Bourg-en-Bresse. Même si des problèmes persistent, le constat est satisfaisant, avec la disparition des éléments les plus scandaleux (patients attachés en chambre d’isolement, interdiction de circulation…) observés trois ans auparavant.
« Ici, c’est pire qu’en prison »
« J’ai souhaité faire des établissements psychiatriques une priorité de mon mandat parce qu’il me semblait que la situation des personnes hospitalisées n’était pas suffisamment prise en compte dans le débat public, alors même que ces malades subissent des restrictions très importantes de leurs droits », souligne Adeline Hazan. A la suite d’un rapport de la CGLPL sur les mesures d’isolement et de contention, l’article 72 d’une loi de modernisation du système de santé, votée en janvier 2016, précise désormais les droits fondamentaux des patients.
Deuxième établissement visité dans ce documentaire : le centre hospitalier départemental La Candélie à Agen. « Ici, c’est pire qu’en prison ! », assure un patient, en parlant notamment de traitements qui « assomment » les résidents. Les contrôleurs écoutent, notent, interrogent. Et visitent tous les secteurs. Comme cette chambre d’isolement, sans accès aux toilettes, avec un seau et un matelas en mousse en guise de lit. Le rapport qui suivra sera sévère. « Le règlement intérieur n’est qu’une suite d’interdits ! », résumera l’un des contrôleurs.
Dernière étape : la maison d’arrêt de Douai (Nord). Des détenus racontent en détail les dysfonctionnements, de l’absence de soins médicaux au manque d’activités en passant par l’état déplorable de certaines cellules ou l’interdiction de passer un appel à sa famille. La délégation de la CGLPL visite également le quartier d’isolement et le quartier disciplinaire, interroge des surveillants, et tout est noté avec soin.
Les prisons françaises, honte de la République ? Adeline Hazan élargit le cadre : « Depuis 2015, ce qui nous préoccupe beaucoup, c’est cette succession de lois mais aussi de pratiques, de volonté gouvernementale de restreindre les libertés et même de considérer que les droits fondamentaux, finalement, c’est presque un luxe qu’on ne peut plus se permettre par les temps qui courent… »