Le progressiste met l’histoire au centre de son idéologie, le radical y met l’homme.
L’attitude du progressiste est optimiste à l’égard de la nature humaine et il croit aux vertus de la méthode scientifique pour comprendre le monde. Le radical est plus sensible à la dualité de la nature humaine, capable du meilleur comme du pire ; il reste sceptique sur les prétentions de la science à apporter une réponse à tout, de même qu’il garde à l’esprit la part tragique propre au destin de l’homme, non seulement à l’époque actuelle mais dans toute société qu’il pourrait concevoir.
Le progressiste raisonne en termes collectifs (au nom des intérêts supérieurs de la société ou de la classe ouvrière) tandis que le radical met l’accent sur la conscience individuelle.
Le progressiste part de ce qui existe, le radical de ce qu’il souhaite. Le premier a besoin de sentir que l’Histoire est de son côté ; le second lui aussi apprécie que l’Histoire aille dans son sens mais, si ce n’est pas le cas, il poursuit obstinément sa route.
Le radical ne nie pas la valeur de la science en tant que discipline, mais il considère qu’il existe un autre domaine – au-delà de l’investigation scientifique – où les jugements de valeur ne résultent pas de preuves mathématiques mais reposent sur une démonstration issue de la rhétorique traditionnelle, de l’art et de la morale.
Dwight Macdonald, Le Socialisme sans le progrès (The Root Is Man, 1946)