Le Coreper, instance stratégique de l’Union Européenne

Ce comité qui entrave toute harmonisation sociale – Le Monde diplomatique (janvier 2016)

Le Comité des représentants permanents (Coreper) fait l’interface entre chaque capitale et les instances de Bruxelles. Chaque Etat membre y a un représentant permanent, nommé pour cinq ans, et un représentant permanent adjoint, qui se voient attribuer les droits et prérogatives des ambassadeurs.

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Le Coreper est la principale instance préparatoire du Conseil de l’Union, qui rassemble les ministres des Vingt-Huit. Il a deux missions principales : coordonner et préparer les travaux des différentes formations du Conseil et négocier des accords et des compromis qui sont ensuite soumis au Conseil pour adoption.

Il dispose d’un secrétariat général. Ses travaux sont dirigés par le pays qui assure la présidence tournante (pour une durée de six mois) de l’Union européenne. Sur certains dossiers diplomatiques, il peut être saisi directement par le président du Conseil européen, élu pour deux ans et demi renouvelables par les chefs d’Etat et de gouvernement (actuellement, le Polonais Donald Tusk).

Il existe deux formations du Coreper, qui se réunissent chaque semaine :

— Le Coreper I, dirigé par le représentant permanent adjoint du pays exerçant la présidence du Conseil, prépare les travaux de six formations du Conseil : agriculture et pêche ; transports, télécommunications et énergie ; compétitivité ; éducation, jeunesse, culture et sport ; emploi, politique sociale, santé et consommateurs ; environnement.

— Le Coreper II réunit les représentants permanents et prépare les réunions des différents conseils : des affaires générales ; des affaires étrangères ; des affaires économiques et financières ; de la justice et des affaires intérieures.

Les assistants personnels des membres du Coreper se réunissent sous l’appellation de « groupe Mertens » pour le Coreper I et de « groupe Antici » pour le Coreper II, du nom de leurs premiers présidents respectifs. Ils passent en revue les ordres du jour des Coreper et en règlent les détails techniques et organisationnels.

Illustrant le pouvoir de la technocratie, l’ordre du jour du Coreper distingue les points A, sur lesquels les représentants permanents se sont entendus et que les ministres se contentent d’adopter sans débat (environ 80 % des ordres du jour), et les points B, jugés « trop politiques » et qui doivent être tranchés par les ministres eux-mêmes.

Le Coreper est assisté de 250 à 300 groupes de travail. L’un d’eux, le Comité économique et financier, dispose d’un accès direct au Conseil, auquel il peut remettre des rapports. Ce statut exceptionnel, qui rogne sur les attributions d’un Coreper censé traiter de tous les sujets, illustre l’importance de l’Union économique et monétaire dans un processus d’intégration de plus en plus technique.


Un certain mystère entoure l’enlisement, depuis sept ans, de la directive harmonisant le congé maternité dans l’Union européenne. Pour une fois, la Commission n’est pas en cause : ce sont les gouvernements des Etats membres qui, au sein d’une instance méconnue — le Comité des représentants permanents —, ont enterré le projet, au risque de susciter une crise institutionnelle.

Cest comme la recherche d’une boîte noire, explique Mme Caroline Martin (1), conseillère parlementaire. On n’arrive pas à identifier les chefs de file qui, au sein du Conseil de l’Union européenne, pourraient prendre en charge le projet de directive sur le congé maternité. »

Lancé en 2008 par la Commission, voté en première lecture par le Parlement européen en 2010, le texte prévoit d’allonger de quatorze à vingt semaines la durée minimale du congé maternité dans l’Union. Mais, depuis cinq ans, il est au point mort, faute de prise de position de la part du Conseil de l’Union européenne, qui réunit les ministres des Etats membres. Une instance peu connue du grand public concentre sur elle les reproches quant à cet enlisement : le Comité des représentants permanents (Coreper).

A Bruxelles, chaque Etat membre dispose d’un représentant permanent chargé de défendre ses positions. L’instance qui les réunit, le Coreper (lire « Une instance stratégique »), conduit les discussions permettant aux vingt-huit gouvernements de s’accorder sur chaque dossier en débat. Or, dans le cas de la directive congé maternité, il n’a jamais entamé les travaux de conciliation des positions nationales.

« Au printemps 2015, les représentations permanentes des gouvernements ont boycotté les réunions proposées par la députée belge Maria Arena (Alliance progressiste des socialistes et démocrates), très en pointe sur ce dossier, arguant qu’il était inutile de discuter en l’absence de consensus entre les ministres », confie M. Sylvain Nothomb, un fonctionnaire européen belge (2).

Du coup, le processus est interrompu sans qu’on connaisse précisément les Etats qui bloquent et sur quelles bases : « Depuis 2010, nous en sommes réduits à des hypothèses. »

Révélateur des impasses de l’Europe sociale, le parcours de la directive congé maternité illustre une autre facette de ce qu’il est convenu d’appeler le « déficit démocratique ». Au-delà du très commode « C’est la faute à Bruxelles (3) », les gouvernements tirent avantage d’un système institutionnel qui cultive la confusion des pouvoirs

Lutter contre la baisse de la natalité

Tout commence lorsque, en 2008, la Commission, emmenée par le commissaire tchèque aux affaires sociales Vladimír Spidla, propose d’étendre à dix-huit semaines au minimum le congé maternité indemnisé, soit quatre semaines de plus que le dispositif prévu par une directive de 1992. Il s’agit alors de suivre la recommandation de l’Organisation internationale du travail (OIT), mais aussi de lutter contre la baisse de la natalité dans l’Union et de contribuer à un « meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée pour parvenir à la croissance économique, à la prospérité et à la compétitivité (4) ». Dans les pays d’Europe centrale et orientale confrontés à une chute des naissances, la durée légale est déjà largement plus importante. Si l’égalité entre les femmes et les hommes compte au nombre des objectifs visés, la proposition est, comme il se doit, liée à des enjeux strictement économiques.

En première lecture, en 2010, le Parlement européen allonge le droit au congé maternité, le portant à vingt semaines, après une longue bataille menée par la députée portugaise Edith Estrella. Il prévoit également un droit au congé pour les pères, oubliés en 1992. Ensuite, les choses se gâtent. Le dossier passe du côté du Conseil, qui doit à son tour se prononcer en première lecture (5). C’est là que le Coreper entre en scène. Mais le projet de directive est, semble-t-il, bloqué très tôt, dès la réunion du groupe de travail « Questions sociales », composé de fonctionnaires des représentations permanentes, qui prépare les réunions du Coreper sur ces sujets.

« Ce genre de situation peut se produire lorsque des propositions de la Commission rencontrent une très vive opposition des Etats membres dès le premier stade de l’examen en groupe de travail du Conseil, explique M. Pierre Vimont, ancien représentant permanent de la France (1999-2002) et vieux routier du Meccano institutionnel européen. La forte résistance des Etats membres aboutit souvent au fait que la présidence tournante hésite à aller devant le Coreper, estimant que le dossier n’est pas mûr. »

Mais ce sont moins les divergences entre Etats membres qui choquent les observateurs que l’opacité du Coreper et la possibilité pour le Conseil de ne pas se prononcer alors que le processus de décision a été enclenché.

« Le Conseil ne respecte ni la Commission ni le Parlement, s’inquiète Mme Martin. C’est la confiance réciproque entre les institutions qui est ici en jeu. » Fichtre !

Instance diplomatique, le Coreper travaille dans le secret des négociations entre gouvernements. Toutefois, un représentant de la Commission assiste presque toujours, sans prendre la parole, à ses délibérations hebdomadaires. Les représentants permanents sont des diplomates, des hauts fonctionnaires dont les prises de position sont préparées en amont par des équipes plus ou moins nombreuses selon les pays. Au quotidien, le Coreper est lui-même assisté d’environ 250 groupes de travail composés de fonctionnaires des représentations permanentes, qui rédigent des rapports préparatoires sur les propositions de directives et de règlements formulées par la Commission. A Bruxelles, une multitude de comités d’experts (de la Commission comme des Etats) tranchent des questions jugées techniques ou consensuelles, trient les ordres du jour, passent d’une salle de réunion à une autre.

« On accuse la Commission de technocratie, observe le politiste français Jean-Louis Quermonne. Mais le Coreper est peut-être une illustration plus forte encore de la technocratie (6). »

Discrètement, il effectue un vrai travail politique et juridique qui aboutit dans de nombreux cas à déterminer la position du Conseil, celui-ci se contentant d’entériner le résultat de ses travaux.

« Le secret — ou plutôt la discrétion — qui entoure les discussions du Coreper ne doit pas choquer, estime M. Nothomb. Sans cela, aucune négociation ne serait possible. »

Le Coreper aurait ainsi joué un rôle décisif dans le rapprochement des positions, très disparates, des vingt-huit Etats membres en vue de la conférence sur le climat de Copenhague en 2009, puis à nouveau pour la COP21. C’est également lui qui a élaboré en 2014 les sanctions infligées à la Russie à la suite de son occupation de la Crimée. Le secret se justifie-t-il sur des sujets qui, au niveau des Etats, relèveraient du pouvoir législatif et seraient donc débattus en public par des élus ? Le congé maternité en est évidemment un exemple, alors que, comme l’explique M. Nothomb,

« la politique sociale relève du principe de subsidiarité : elle est traitée en premier ressort par les Etats, l’Union ne pouvant adopter que des mesures de coordination minimale ».

Au-delà du libéralisme des pères fondateurs, ce partage des compétences vise à préserver des modèles sociaux nationaux disparates, que les gouvernements estiment ne pas avoir à justifier ni à discuter à Bruxelles. Mme Julie Girling, eurodéputée conservatrice britannique, a ainsi pu déclarer :

« Nous n’avons pas besoin de diktats de l’Union disant aux mamans qu’elles doivent rester à la maison pendant vingt semaines. Le Royaume-Uni a une approche progressiste du congé parental qui consiste en un partage du congé entre la mère et le père, comme bon leur semble (7). »

Et de rappeler que, dans son pays, le congé parental est de cinquante-deux semaines. Un record dans l’Union, où la moyenne est de seize semaines. Si les Etats peuvent, en vertu du principe de subsidiarité, faire davantage que les prescriptions minimales édictées par Bruxelles, celles-ci servent souvent d’arguments à ceux qui, au niveau national, veulent tirer vers le bas les droits sociaux.

« Le lieu où se décident les compromis »

Et le contraste est frappant avec l’Union économique et monétaire, dont la fédéralisation rampante n’effraie plus guère que les Britanniques et les Néerlandais. Si la zone euro ne regroupe que dix-neuf pays sur vingt-huit, la quasi-totalité des compétences économiques liées à la construction du marché commun sont passées à Bruxelles. Avec le « semestre européen », qui permet à la Commission de donner son avis sur les budgets nationaux en coordonnant les politiques économiques, et le projet d’union bancaire, la pyramide européenne grandit encore d’un étage.

Le fonctionnement du Coreper traduit le piège dans lequel se sont enfermés les gouvernements. Dans les négociations, il y a une « obligation de résultat », martèlent les représentations permanentes, qui estiment devoir parvenir « coûte que coûte » à une décision. Il faut avancer, « faire le travail », insiste Mme Ilze Juhansone, représentante permanente de la Lettonie, dont le pays assurait la présidence tournante du Conseil au premier semestre 2015. Même dans les domaines régis par le vote à la majorité qualifiée — comme c’est le cas pour le congé maternité —, les vingt-huit représentants permanents recherchent le consensus, s’approchant souvent in fine de l’unanimité. Les diplomates se montrent très fiers de ce fonctionnement, qui accroît, selon eux, l’autorité des décisions.

« Etre mis en minorité peut être humiliant, de même qu’il peut se révéler difficile d’assumer d’avoir fâché un Etat membre », confie l’un d’eux.

Pourtant, la recherche du consensus conduit mécaniquement à ne s’accorder que sur le plus petit dénominateur commun, en l’occurrence le marché commun et ses prolongements. Cette préoccupation se retrouve dans le choix d’experts qui brillent plus par leur conformisme que par leur souci de construire des débats politiques. L’impératif de négocier justifie aussi commodément des renoncements dont on ne veut pas assumer la responsabilité. On se souvient de M. François Hollande, alors secrétaire national du Parti socialiste français, claironnant à propos du traité constitutionnel européen :

« Ce traité est le meilleur qu’on puisse avoir compte tenu du nombre de gouvernements de droite qu’il y a en Europe. »

La recherche obsessionnelle du consensus confirme au passage que l’extension du recours au vote à la majorité qualifiée, réclamée par les fédéralistes, n’est pas la recette miracle de l’Europe sociale.

Au sein du Coreper, chacun est incité à faire des compromis, insistent les diplomates. Mais comment ce compromis se construit-il ? A Bruxelles, les représentants permanents et leurs équipes — qui, contrairement aux ministres, résident quasiment tous sur place — se fréquentent, déjeunent voire dînent ensemble, se lient presque d’amitié. Certains représentants évoquent un « club très spécial », le « lieu où se décident les compromis » (8). Ce sont beaucoup de relations informelles faites de discussions dans les couloirs, de coups de fil de courtoisie et autres textos complices.

Tout cela « facilite la compréhension mutuelle, permet de faire comprendre ses idées et ses difficultés », commente un diplomate italien.

Avec l’élargissement à vingt-huit, l’hétérogénéité des points de vue s’est mécaniquement accrue, ce qui a pour double effet d’accroître le rôle de coordination du président du Conseil et d’inciter à trouver dans les relations personnelles un moyen de fluidifier les discussions officielles. De fait, il règne à Bruxelles une ambiance de petit monde où tous se connaissent. Cette mécanique villageoise, huilée par l’idéologie dominante, libérale et intégrationniste, favorise les compromis droitiers négociés dans les antichambres par de jeunes technocrates revenus de tout sans être allés nulle part.

Des tête-à-queue spectaculaires

Le Coreper, dit-on, ferait preuve d’un certain esprit de corps.

« Une sorte de complicité se noue, qui incite à ne pas vouloir placer son homologue dans une situation difficile », explique M. Vimont.

Une préoccupation surprenante dans une instance chargée avant tout de faire valoir les intérêts de chaque pays. Les allers-retours sont incessants avec les capitales, le représentant permanent pouvant modifier la position initiale de son pays en cours de négociation. Certains dossiers sont discutés des années, comme le fut celui des brevets (dix ans de négociations). Avocat de son pays, le représentant permanent devient ainsi également celui des positions adoptées à Bruxelles auprès des cabinets ministériels ou des administrations nationales.

« Le vrai défi diplomatique, estime le politiste Jakob Lempp, n’est pas de rallier vos partenaires à vos positions, mais de rallier votre capitale aux positions des autres pays, dans l’idée de parvenir à un compromis (9). »

Instance intergouvernementale, le Coreper peut ainsi se transformer, en pratique, en outil de l’intégration européenne.

« Nous avons établi quelque chose qui s’appelle un modèle de négociation multi-niveau, et qui permet de discuter de plusieurs sujets à la fois, explique Mme Juhansone. Une solution est alors adoptée également en raison de son impact sur d’autres dossiers. »

En d’autres termes, le donnant-donnant permet aux gouvernements d’avancer leurs pions, cédant sur certains dossiers, gagnant sur d’autres, dans le cadre de la confrontation d’intérêts supposés bien compris. Mais, à ce jeu, certains se montrent plus habiles que d’autres.

« Les petits Etats tendent à s’aligner sur la position de la présidence ou de la majorité tant que la question ne touche pas spécifiquement à leurs intérêts nationaux », analyse Lempp.

Si le Royaume-Uni s’est rendu célèbre dans les cénacles européens pour son esprit d’aimable composition, la France et l’Allemagne se posent quant à elles en championnes du « compromis constructif ». Moteur de l’Europe, elles valorisent le dialogue à tous les niveaux. Mais, alors que Berlin retrouve un espace d’action internationale qu’il défend avec fermeté dans le domaine économique et monétaire, Paris reste piégé dans le rôle de premier de la classe. En effet, au sein du Coreper, les représentants de la France ne semblent plus défendre de lignes rouges.

« Longtemps, raconte M. Vimont, les négociations ont été dures sur la politique agricole commune, la France adoptant des positions très fermes. Aujourd’hui, il n’y a aucun gros dossier dont Paris ne veut pas entendre parler. »

Un état d’esprit certainement admirable du point de vue de la recherche d’un supposé intérêt commun de l’Union, mais qui laisse entendre que toutes les positions françaises seraient négociables. Les tête-à-queue sont parfois spectaculaires, comme celui du ministre (communiste) Jean-Claude Gayssot approuvant, au nom du gouvernement Jospin, la privatisation du rail, en 2001. Les Allemands, pour leur part, sont connus pour savoir tisser des réseaux, y compris au sein de l’administration européenne, ce qui leur permet de faire avancer les dossiers qu’ils jugent prioritaires, notamment en matière économique.

Au printemps 2015, la présidence lettone du Conseil fait savoir qu’elle ne dispose d’aucun mandat pour entamer de nouvelles discussions sur la directive congé maternité. Durant l’été, la Commission annonce qu’elle reprend la main en vertu de son pouvoir général d’initiative : elle retire sa proposition de 2008 et proposera pour 2016 une « feuille de route » incluant diverses mesures, notamment sur la compétitivité et la flexibilité du marché du travail, mais aussi sur le congé maternité. A ceux qui estiment qu’elle excède ses compétences en matière sociale, elle rappelle que « seul un niveau minimal commun de protection » permet de garantir « l’indispensable équivalence des conditions » en matière de protection des salariées enceintes dans tout le marché commun. En outre, le « semestre européen », en vertu duquel elle surveille les budgets nationaux, lui permet de formuler des recommandations non contraignantes sur toutes sortes de sujets. C’est ainsi que la logique de l’intégration étend, de fil en aiguille, les compétences des institutions de l’Union.

Choqués par l’attitude du Coreper, qui ne s’est jamais formellement réuni sur le congé maternité, les députés socialistes ont beau jeu de désigner là où le bât blesse :

« “Mieux légiférer” ne peut consister à retirer les dossiers conflictuels. “Mieux légiférer”, c’est assumer le débat politique sur les propositions législatives (10). »

Cet appel au débat libre et raisonné étonnera sans doute les députés marginalisés dans la vie parlementaire européenne par les dominants, groupes socialiste et démocrate d’une part et Parti populaire européen (droite conservatrice) d’autre part. En vertu d’un accord dit « technique », ceux-ci se partagent en effet les postes de pouvoir (bureau, présidences de commissions) au sein de l’assemblée de Strasbourg.

Par ailleurs, le Parlement s’accommode lui-même du secret dans le cadre du désormais fameux trilogue qui réunit ses représentants et ceux du Conseil et de la Commission pour parvenir à une version commune des textes en discussion (11). La médiatrice européenne, Mme Emily O’Reilly, dénonce ce manque de transparence :

« Aucun compte rendu n’est publié (…). On ne sait jamais vraiment quand les réunions ont lieu ou comment les décisions sont prises (12). »

On évoque même une « coreperisation » du processus de décision, les institutions du trilogue négociant de façon informelle, retirant des points des discussions, en modifiant d’autres, dès la première lecture des textes. Un comble !

Le petit psychodrame qui a entouré la directive congé maternité ne serait-il que l’arbre qui cache l’immense forêt du consensus où sont installées les institutions européennes ? Au-delà des luttes de pouvoir entre les institutions, la logique de la discussion permanente favorise en effet le conformisme, dépolitise les dossiers et brouille les responsabilités, chacun (Conseil, Commission, Parlement) pouvant rejeter sur l’autre la médiocrité du résultat final. Elle conduit également à une fédéralisation technico-juridique rampante, qui accorde aux experts, présents à tous les stades du processus législatif, un pouvoir échappant au contrôle démocratique. Dans ce théâtre d’ombres, chacun peut avancer masqué.

Anne-Cécile Robert


(1) Pseudonyme.

(2) Pseudonyme.

(3) Lire Bernard Cassen, « La faute à Bruxelles ? », Le Monde diplomatique, mars 1994.

(4) Proposition portant modification de la directive 92/85/CEE du Conseil concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail SEC (2008) 2595 SEC (2008) 2596, Journal officiel de l’Union européenne, Luxembourg, 3 octobre 2008.

(5) Lire « Europe. Droit d’inventaire », Manière de voir, no 129, juin-juillet 2013.

(6) Vlad Constantinesco et Denys Simon (sous la dir. de), Le Coreper dans tous ses Etats, Presses universitaires de Strasbourg, 2001.

(7) Euractiv, 3 juillet 2015, www.euractiv.fr

(8) Témoignages recueillis par Jakob Lempp, « Coreper enlarged. How enlargement affected the functioning of Coreper », dans Erik Jones, Anand Menon et Stephen Weatherill (sous la dir. de), The Oxford Handbook of the European Union, Oxford University Press, 2012.

(9) Ibid.

(10) Communiqué du 2 juillet 2015, « La technique du retrait, ça ne marche pas ! » http://www.deputes- socialistes.eu

(11) Lire Sylvain Laurens, « Les élus passent, les eurocrates restent », Le Monde diplomatique, septembre 2015.

(12) Euractiv, 22 avril 2015.

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