Beaucoup de nos spéculateurs, au lieu de bannir les préjugés généraux, emploient toute leur sagacité à découvrir la sagesse cachée qui domine dans chacun.
S’ils parviennent à leur but, et rarement ils le manquent, ils pensent qu’il est bien plus sage de conserver le préjugé avec le fonds de raison qu’il renferme, que de le dépouiller de ce qu‘ils n’en regardent que comme le vêtement, pour laisser ensuite la raison toute à nu ; parce qu’un préjugé, y compris sa raison, a un motif qui donne de l’action à cette raison, et un attrait qui y donne de la permanence.
Le préjugé est d’une application soudaine dans l’occasion ; il détermine, avant tout, l’esprit à suivre avec constance la route de la sagesse et de la vertu ; il ne laisse pas les hommes hésiter au moment de la décision, exposés au doute, à la perplexité, à l’irrésolution.
Le préjugé fait de la vertu une habitude pour les hommes, et non pas une suite d’actions incohérentes ; par les préjugés dont la vertu fait la base, le devoir devient une partie de notre nature.
Edmund Burke – Réflexions sur la Révolution de France (1790)
« […] prejudice renders a man’s virtue his habit ; and not a series of unconnected acts. Through past prejudice, his duty becomes part of his nature. »
Autre traduction : « Par le préjugé fondé en raison, le devoir entre dans la nature de l’homme. »