N’a de convictions que celui qui n’a rien approfondi.
Emil Cioran – De l’inconvénient d’être né (1973)
Il est rare de tomber sur un esprit libre, et quand on en rencontre un, on s’aperçoit que le meilleur de lui–même ne se révèle pas dans ses ouvrages (quand on écrit, on porte mystérieusement des chaînes) mais dans ces confidences où, dégagé de ses convictions ou de ses poses, comme de tout souci de rigueur ou d’honorabilité, il étale ses faiblesses. Et où il fait figure d’hérétique par rapport à lui–même.
Avoir des opinions est inévitable, est normal ; avoir des convictions l’est moins. Toutes les fois que je rencontre quelqu’un qui en possède, je me demande quel vice de son esprit, quelle fêlure les lui a fait acquérir. Si légitime que soit cette question, l’habitude que j’ai de me la poser, me gâche le plaisir de la conversation, me donne mauvaise conscience, me rend odieux à mes propres yeux.