« Si tu travaillais tous les jours, la vie te serait plus supportable »

[…] À chaque minute nous sommes écrasés par l’idée et la sensation du temps. Et il n’y a que deux moyens pour échapper à ce cauchemar, – pour l’oublier : le Plaisir et le Travail. Le Plaisir nous use. Le Travail nous fortifie. Choisissons. Plus nous nous servons d’un de ces moyens, plus l’autre nous inspire de répugnance. On ne peut oublier le temps qu’en s’en servant.

Tout ne se fait que peu à peu. […] Il n’y a de long ouvrage que celui qu’on n’ose pas commencer. Il devient cauchemar. En renvoyant ce qu’on a à faire, on court le danger de ne jamais pouvoir le faire. En ne se convertissant pas tout de suite, on risque d’être damné.

Pour guérir de tout, de la misère, de la maladie et de la mélancolie, il ne manque absolument que le Goût du Travail. Fais, tous les jours, ce que veulent le devoir et la prudence. Si tu travaillais tous les jours, la vie te serait plus supportable.

[…] Faire son devoir tous les jours et se fier à Dieu, pour le lendemain […]. Une sagesse abrégée. Toilette, prière, travail. […] L’habitude d’accomplir le Devoir chasse la peur. […] Travail immédiat, même mauvais, vaut mieux que la rêverie. Une suite de petites volontés fait un gros résultat. […] Le travail engendre forcément les bonnes mœurs, sobriété et chasteté, conséquemment la santé, la richesse, le génie successif et progressif, et la charité. « Age quod agis » (fais ce que tu fais).

Charles BaudelaireHygiène (1887)