« La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à n’être pas soumis à celle d’autrui »

On a beau vouloir confondre l’indépendance et la liberté. Ces deux choses sont si différentes que même elles s’excluent mutuellement. Quand chacun fait ce qu’il lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres, et cela ne s’appelle pas un état libre.

La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à n’être pas soumis à celle d’autrui ; elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d’autrui à la nôtre. […]

Il y a peu d’hommes d’un cœur assez sain pour savoir aimer la liberté. Tous veulent commander ; à ce prix, nul ne craint d’obéir. […] Je ne connais de volonté vraiment libre que celle à laquelle nul n’a droit d’opposer de la résistance ; dans la liberté commune, nul n’a droit de faire ce que la liberté d’un autre lui interdit, et la vraie liberté n’est jamais destructive d’elle-même.

Ainsi la liberté sans la justice est une véritable contradiction ; car, comme qu’on s’y prenne, tout gêne dans l’exécution d’une volonté désordonnée.

Il n’y a donc point de liberté sans Lois, ni où quelqu’un est au-dessus des Lois : dans l’état même de nature l’homme n’est libre qu’à la faveur de la Loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs, et non pas des maîtres ; il obéit aux Lois, mais il n’obéit qu’aux Lois, et c’est par la force des Lois qu’il n’obéit pas aux hommes. [..] Un peuple est libre, quelque forme qu’ait son Gouvernement, quand, dans celui qui le gouverne, il ne voit point l’homme, mais l’organe de la Loi.

En un mot, la liberté suit toujours le sort des Lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain.

Jean-Jacques RousseauLettres écrites de la Montagne (1764)

Je n’ai jamais cru que la liberté de l’homme consistât à faire ce qu’il veut, mais bien à ne jamais faire ce qu’il ne veut pas […]

Les rêveries du promeneur solitaire (1776)