On ne gouverne jamais une nation contre ses habitudes.
Louis XVI
Ce fut le 4 septembre 1791 qu’une députation de l’Assemblée vint apporter au Roi l’acte constitutionnel. Thouret, rapporteur du comité de constitution, dit au Roi, en lui présentant cet acte : « Sire, les représentants de la Nation viennent offrir à l’acceptation de Votre Majesté l’acte constitutionnel. Il consacre les droits imprescriptibles du peuple français, il rend au trône sa vraie dignité et organise le gouvernement de l’empire. » Le Roi répondit qu’il allait examiner la Constitution, et qu’il rendrait sa réponse dans le délai le plus court possible, en faisant toutefois observer qu’un aussi grave sujet nécessitait un mûr examen.
Le 13 septembre, Louis XVI adressa à l’Assemblée son acceptation par l’intermédiaire du ministère de la justice.
Le Roi était sincère : ceux qui le connaissaient comme nous ne pouvaient manquer d’en être convaincus, et ceux qui n’ont pas connu cet excellent prince partageront cette conviction en lisant la lettre qu’il écrivit à cette époque à Monsieur et au comte d’Artois pour leur expliquer l’adhésion qu’il venait de donner à la Constitution.
« La Nation, disait-il dans cette lettre, aime la Constitution parce que ce mot ne rappelle à la classe inférieure du peuple que l’indépendance où il vit depuis deux ans, et à la classe au-dessus l’égalité. Ils blâment volontiers tel ou tel décret en particulier, mais ce n’est pas là ce qu’ils appellent la Constitution.
Le bas peuple veut que l’on compte avec lui, le bourgeois ne voit rien au-dessus. L’amour-propre est satisfait, cette nouvelle jouissance a fait oublier toutes les autres. Ils n’attendaient que la fin de la Constitution pour être parfaitement heureux ; la retarder était à leurs yeux le plus grand crime, parce que tous les bonheurs devaient arriver avec elle.
Le temps leur apprendra combien ils se sont trompés ; mais leur erreur n’en est pas moins profonde. Si l’on entreprenait aujourd’hui de la renverser, ils n’en conserveraient l’idée que comme celle du plus grand moyen de bonheur, et, lorsque les troupes qui l’auraient renversée seraient hors du royaume, on pourrait avec cette dernière les remuer sans cesse, et le gouvernement se tiendrait dans un système opposé à l’esprit public et sans moyen pour le contenir ; on ne gouverne jamais une nation contre ses habitudes ; cette maxime est aussi vraie à Constantinople que dans une république.
J’y ai bien pensé, et j’ai vu que la guerre ne présentait d’autres avantages que des horreurs et toujours de la discorde. J’ai donc cru qu’il fallait éloigner cette idée, et j’ai cru devoir essayer encore les seuls moyens qui me restaient : la sanction de ma volonté aux principes de la Constitution.
Je sens toutes les difficultés de gouverner ainsi une grande nation, je dirai même que j’en sens l’impossibilité ; mais l’obstacle que j’y aurais mis aurait porté la guerre que je voulais éviter, et aurait empêché le peuple de juger cette Constitution, parce qu’il n’y aurait vu que mon opposition constante. J’ai donc préféré la paix à la guerre, parce qu’elle m’a paru à la fois plus vertueuse et plus utile. »
Pauline de Tourzel, comtesse de Béarn, fille de la duchesse de Tourzel, qui fut gouvernante des enfants de Louis XVI et de Marie-Antoinette ( – )