S’agissant, par exemple, de la délinquance, l’intellectuel de gauche aura ainsi naturellement tendance […] à excuser le criminel au nom de sa propre foi calviniste en une prédestination sociale (« je ne suis pas damné parce que j’ai agi de manière coupable, mais j’agis de manière coupable parce que je suis socialement damné »). Là où son clone de droite, beaucoup plus pélagien sur le coup (ou plus sartrien), s’efforcera au contraire d’établir la responsabilité pleine et entière de l’assassin ou du violeur.
En revanche, sur la question de la libération conditionnelle des détenus, le même intellectuel de droite tendra généralement à condamner le « laxisme » des magistrats, en défendant l’idée qu’un délinquant est, par nature, déterminé à récidiver, tandis que son clone de gauche soutiendra cette fois-ci que tout être humain est susceptible de s’amender du fait de son libre-arbitre constitutif.
Ainsi va la vie intellectuelle dans une société libérale.
Jean-Claude Michéa, Notre ennemi le capital (p212-213)