« Ses esclaves de fer et de fil atteindront une perfection que l’homme de chair n’a jamais connue »

[…] l’écriture, l’imprimerie n’étaient encore qu’inventions enfantines auprès des mémoires modernes, des machines qui mettent la pensée sur un fil ou le chant, ou les calculs.

On n’a plus besoin de se souvenir du moment que les machines le font pour nous […] Ici l’erreur est impensable et donc repos nous est donné de cette complication du souvenir.

Ici le progrès réside moins dans l’habileté du robot, que dans la démission de celui qui s’en sert. J’ai enfin acquis le droit à l’oubli.

Mais ce progrès qui me prive d’une fonction peu à peu m’amène à en perdre l’organe. Plus l’ingéniosité de l’homme sera grande, plus l’homme sera démuni des outils physiologiques de l’ingéniosité.

Ses esclaves de fer et de fil atteindront une perfection que l’homme de chair n’a jamais connue, tandis que celui-ci progressivement retournera vers l’amibe. Il va s’oublier.

Louis AragonBlanche ou l’Oubli (1967)

 
 

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