Pour soumettre les hommes, on travaille d’abord à les aveugler.
Convaincus de l’injustice de leurs prétentions, et sentant qu’ils ont tout à craindre d’un peuple éclairé sur ses droits, les princes s’attachent à lui ôter tout moyen de s’instruire.
Persuadé d’ailleurs combien il est commode de régner sur un peuple abruti, ils s’efforcent de le rendre tel.
Que d’obstacles n’opposent-ils pas aux progrès des lumières ? Les uns bannissent les lettres de leurs États ; les autres défendent à leurs sujets de voyager ; d’autres empêchent le peuple de réfléchir, en l’amusant continuellement par des parades, des spectacles, des fêtes, ou en le livrant aux fureurs du jeu : tous s’élèvent contre les sages qui consacrent leur voix et leur plume à défendre la cause de la liberté.
Jean-Paul Marat – Les chaînes de l’esclavage (1774)
