Les hommes en général jugent plus par les yeux que par les mains ; car il échoit à chacun de voir, à peu de gens de percevoir.
Chacun voit ce que tu parais, peu perçoivent ce que tu es ; et ce petit nombre ne se hasarde pas à s’opposer à l’opinion d’une foule qui a la majesté de l’État qui la défend ; et dans les actions de tous les hommes, et surtout des princes où il n’y a pas de tribunal à qui recourir, on considère la fin.
Qu’un prince, donc, fasse en sorte de vaincre et de maintenir l’Etat : les moyens seront jugés honorables et loués d’un chacun ; car le vulgaire se trouve toujours pris dans les apparences et par l’issue de la chose ; et dans le monde, il n’y a que le vulgaire, et le petit nombre ne compte pas quand la foule a où s’appuyer.
Nicolas Machiavel – Le Prince (1513)
