« L’indifférence morale est la maladie des gens cultivés »

L’État fondé sur le seul intérêt et cimenté par la peur est une construction ignoble et précaire.

Le sous-sol de toute civilisation, c’est la moralité moyenne des masses et la pratique suffisante du bien. Le devoir est ce qui supporte tout. Ceux qui, dans l’ombre, le remplissent et donnent un bon exemple sont donc le salut et le soutien de ce monde brillant qui les ignore.

[…] Si l’ignorance et la passion compromettent la moralité populaire, il faut dire que l’indifférence morale est la maladie des gens très cultivés.

Cette séparation entre les lumières et la vertu, entre la pensée et la conscience, entre l’aristocratie intellectuelle et la foule honnête et grossière, est le plus grand danger de la liberté.

Les raffinés, les ironiques, les sceptiques, les beaux esprits décèlent par leur multiplication la désorganisation chimique de la société. […] Les dégoûtés moqueurs sont des égoïstes qui se désintéressent du devoir général et qui, se dispensant de tout effort, n’empêchent aucun malheur.

Leur finesse consiste à n’avoir plus de cœur. Ils s’éloignent par là de la vraie humanité et se rapprochent de la nature démoniaque.

Henri-Frédéric AmielJournal intime (26 octobre 1870)

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