[…] le renoncement à ses propres avantages n’est rien et la destruction de son corps est peu de chose auprès de la destruction de son âme même.
Finalement, c’est cela qui fait la grandeur de Chamfort et l’étonnante beauté du roman qui nous est proposé. Car, en somme, le mépris des hommes est souvent la marque d’un cœur vulgaire. Il s‘accompagne alors de la satisfaction de soi. Il n’est légitime au contraire que lorsqu’il se soutient du mépris de soi.
« L’homme est un sot animal, dit Chamfort, si j’en juge par moi ». C’est en cela qu’il me parait être le moraliste de la révolte, dans la mesure précise où il a fait toute l’expérience de la révolte en la tournant contre lui-même, son idéal étant une sorte de sainteté désespérée.
Albert Camus – Préface aux Maximes de Chamfort (1944)
