« Le temps dévore, l’homme plus encore »

Sans doute c’est encore aujourd’hui un majestueux et sublime édifice que l’église de Notre-Dame de Paris. Mais, si belle qu’elle se soit conservée en vieillissant, il est difficile de ne pas soupirer, de ne pas s’indigner devant les dégradations, les mutilations sans nombre que simultanément le temps et les hommes ont fait subir au vénérable monument, sans respect pour Charlemagne qui en avait posé la première pierre, pour Philippe Auguste qui en avait posé la dernière.

Sur la face de cette vieille reine de nos cathédrales, à côté d’une ride on trouve toujours une cicatrice. « Tempus edax, homo edacior ». Ce que je traduirais volontiers ainsi : « Le temps est aveugle, l’homme est stupide. »

Victor HugoNotre-Dame de Paris (1831)


[…] cette expression proverbiale de Notre-Dame de Paris tire son origine des Métamorphoses d’Ovide, dans lesquelles se trouve la phrase : « tempus edax rerum » (« le temps dévore tout ») . Notons qu’une expression très ressemblante, « Homo edax » apparaît dans Les Travailleurs de la mer, en tant que titre d’un chapitre.

[…] la « traduction » originale de Hugo, « le temps est aveugle, l’homme est stupide », souligne la différence existant entre le travail du temps et celui de l’homme. Ce faisant, l’auteur fustige l’acte de détruire et celui de défigurer les vieilles architectures, en vue de conserver les monuments historiques.

[…] Jacques Seebacher remarque qu’elle a probablement été rencontrée par Hugo dans L’Essai historique de E. H. Langlois, paru en 1827, tandis que la diffusion de cette idée elle-même semble remonter au moins au Génie du christianisme. Dans le chapitre intitulé « Des ruines en général », Chateaubriand explique qu’ « il y a deux sortes de ruines : l’une, ouvrage du temps ; l’autre, ouvrage des hommes ».

[…]  Dans Les Travailleurs de la mer, cet acte de détruire prend une autre dimension : la destruction est considérée comme la nature même de l’activité et de l’existence de l’homme. Le chapitre « Homo edax » est entièrement consacré à l’éclaircissement de l’idée selon laquelle « L’homme est un rongeur ».

De toutes les dents du temps, celle qui travaille le plus, c’est la pioche de l’homme. L’homme est un rongeur. Tout sous lui se modifie et s’altère, soit pour le mieux, soit pour le pire. Ici il défigure, là il transfigure.

«Homo edax» : Ruine et création dans Notre-Dame de Paris et Les Travailleurs de la mer.

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