Ce n’est pas assez de révéler ; il faut encore que la révélation soit entière et claire.
Il est une sorte d’obscurité que l’on pourrait définir l’affectation des grands maîtres. C’est un voile qu’ils se plaisent à tirer entre le peuple et la nature. Sans le respect qu’on doit aux noms célèbres, je dirais que telle est l’obscurité qui règne dans quelques ouvrages [….]
Ces livres ne demandaient qu’à être entendus pour être estimés ce qu’ils valent ; et il n’en eût pas coûté plus d’un mois à leurs auteurs pour les rendre clairs ; ce mois eût épargné trois ans de travail et d’épuisement à mille bons esprits. Voilà donc à peu près trois mille ans de perdus pour autre chose.
Hâtons-nous de rendre la philosophie populaire. Si nous voulons que les philosophes marchent en avant, approchons le peuple du point où en sont les philosophes.
Diront-ils qu’il est des ouvrages qu’on ne mettra jamais à la portée du commun des esprits ? S’ils le disent, ils montreront seulement qu’ils ignorent ce que peuvent la bonne méthode et la longue habitude.
Denis Diderot – Pensées sur l’interprétation de la nature (1753)
