L’espionnage sur écoute

LSD, La série documentaire – L’espionnage sur écoute (France Culture)Une série d’Amaury Chardeau, réalisation Julie Beressi

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Septembre 1963, en pleine Guerre Froide, la France découvre que les services soviétiques ont infiltré pendant des décennies le cœur de son appareil d’Etat. Retour sur une trahison qui mêle idéalisme et orgueil et qui constituerait, à ce jour, la plus grave pénétration du KGB en France.

De 1944 à 1963, Georges Pâques, un haut-fonctionnaire modèle, membre de tous les cabinets ministériels de la IVème République, de l’Etat-Major de la Défense Nationale puis du service d’information de l’OTAN, avait été un agent de l’Est. Cet homme jovial et bonhomme, apparemment de droite, alimentait régulièrement les services soviétiques en notes sur le monde politique français ou en documents, parfois des plus sensibles.

Charles Benfredj : « Il pensait devenir le James Bond qui avait évité une 3ème guerre mondiale et un conflit nucléaire. »

Arrêté par la DST en 1963, il avoue tout. Son procès expéditif calme les appétits médiatiques,. Condamné à perpétuité il voit sa peine réduite par De Gaulle avant d’être libéré par Pompidou, son ancien condisciple à Normal Sup. Après sept ans de détention Georges Pâques retrouve l’anonymat jusqu’à sa mort en 1993.

Pierre Assouline : « Dès le début de sa carrière, il a eu le sentiment qu’il valait mieux que les ministres qu’il servait mais qu’il ne pourrait pas accéder aux plus hautes fonctions car il n’était pas un aristo du Quai d’Orsay. Il a donc décidé de rester dans l’ombre »

A l’origine de son geste ? Ni argent ni chantage mais l’ambition d’agir, dans l’ombre, pour la paix. Lors de son procès il confia : « Pour éviter un conflit international aboutissant fatalement à une catastrophe mondiale, il était indispensable de rétablir les forces en présence ». Ainsi, comme on le raconte notamment ici, lors de la crise de Berlin, l’été 1961…

Selon certains, Georges Pâques pourrait toutefois avoir été volontairement « grillé » par le KGB afin de dissimuler un réseau d’agents bien plus étendu…

Avec Charles Benfredj, avocat et écrivain ; Pierre Assouline, romancier ; Isabelle Pâques, fille de Georges Pâques ; Claude Faure, ancien du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) et historien ; Pierre Joxe, ancien ministre ; Jean Guisnel, journaliste.

Jusqu’alors inédits, les enregistrements de Georges Pâques et de Marcel Chalet (ancien commissaire de la DST) ont été réalisés par Charles Benfredj.


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Ils sont la pointe avancée des services français à l’étranger : opérant sous couverture, les officiers de renseignement de la DGSE sont chargés de débusquer les secrets intéressant la sécurité et les intérêts stratégiques du pays. Plongée documentaire dans l’opacité de «la boite».

Officiellement la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) a pour mission de « rechercher et exploiter les renseignements intéressant la sécurité de la France » et de « détecter et entraver, hors du territoire, les activités d’espionnage dirigées contre les intérêts français »

Alain Chouet :  » Faut pas être timide… pas faire la gueule, pas être fatigué, pas être bourré, il faut garder en permanence une grande lucidité…. être conforme à l’image que la partie adverse a de vous… »

Parmi ses 6000 employés, on trouve des bataillons d’analystes qui traitent et synthétisent les informations glanées sur le terrain d’où opèrent, plus ou moins légalement, les têtes chercheuses, les « officiers de renseignement ». Ces derniers ont pour mission de tendre l’oreille afin de connaitre ce que d’autres souhaiteraient dissimuler : un travail délicat, souvent trouble et parfois dangereux qui consiste notamment à recruter et manipuler des sources, également appelées «agents».

Jean Guisnel :  » “La France est bonne en math et bonne pour casser des codes, demandez-vous qui finance le labo de maths de l’ENS ? »

Malgré les impératifs de réserve, que peut-on raconter des missions et des méthodes employées ? Comment recrute-t-on une source ? Quid de l’existence de clandestins ? Quel rôle joue le renseignement technique ? A quoi ressemble une vie d’espion ?

Avec Alain Chouet , ancien chef du renseignement de sécurité à la DGSE ; Claude Moniquet, ancien correspondant de la DGSE; Alain Juillet, ancien directeur du renseignement de la DGSE ; Jean Guisnel , journaliste ; Jean-Dominique Merchet , journaliste ; Jean-Christophe Notin, écrivain ; Carine Lachèvre, conservatrice au Musée de l’armée.

Remerciement à Claude Faure, ancien du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) et Christophe Bertrand, conservateur du Musée de l’Armée.


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L’espionnage aux fins économiques et financières existerait depuis l’apparition du commerce. A l’ère numérique, il constituerait un enjeu décisif aux conséquences exponentielles. Que comprendre de la réalité de la menace ?

Dissimulant jusqu’à son existence derrière des appellations protéiformes (espionnage industriel, renseignement compétitif, renseignement d’affaires…) « l’intelligence économique » désigne le fait pour une entreprise de lorgner sur les secrets technologiques, commerciaux ou stratégiques de ses rivales. Ou bien d’oeuvrer à déstabiliser ces dernières pour mieux les éliminer.

Pierre Gastineau : Pour les grands contrats, les grandes sociétés ont toujours besoin d’un interlocuteur discret pour les aider à trouver le bon partenaire sur place, un prince, le cousin d’un chef d’état…

Le montant du butin se chiffrerait chaque année en centaines de millions, voire en milliards. Vertigineux, ce préjudice reste pourtant impossible à préciser tant la victime du jour pourra être l’agresseur de demain, et tant cette prédation économique semble relever du darwinisme propre au capitalisme.

Alain Juillet : On se méfie pas assez des stagiaires….

Intrusion informatique, vol à l’arraché, micros disposés sous des tables, campagnes de diffamation, innocents stagiaires… Chacun dénonce les coups bas de l’adversaire en mettant tous les moyens de son côté, y compris ceux des services de renseignements de son pays d’origine. Le marché ayant horreur du vide, s’est aussi développé une offre d’officines au sein desquelles opèrent souvent des anciens des services d’Etats…

Avec Alain Juillet, Président de l’Académie de l’Intelligence Économique et ancien responsable de l’Intelligence Economique auprès du Premier ministre ; Bruno Delamotte, PDG de Risk&Co ; Eric Denécé, directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) ; Olivier Ligneul, responsable de la sécurité des systèmes d’informations ; Alain Bouillé, président du CESIN (Club des experts de la sécurité de l’information et du numérique) ; Pierre Gastineau, journaliste, rédacteur en chef d’Intelligence online ; Bernard Squarcini, ancien patron de la DGSI et président de Kyrnos Conseil ; Jean Guisnel, journaliste ; Jean-Dominique Merchet , journaliste ; Claude Moniquet , PDG de l’ESISC ; Pierre Lellouche, député.


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Révélée début 2011, l’infiltration de ce policier londonien dans les cercles environnementaux anglais a mis au jour l’existence, depuis 1968, d’un vaste système de surveillance des milieux politiques britanniques… et européens.

De 2003 à 2010 il était de tous les combats : manifestant ici contre la construction d’un barrage, là contre l’agrandissement d’un aéroport, la nocivité d’une centrale à charbon ou la légitimité d’un sommet du G8 ou du G20… Serviable et enthousiaste, fan de punk au corps tatoué et aux cheveux longs, « Mark Stone » fréquentait autant les milieux environnementaux que les cercles anti-guerre, anarchistes ou les défenseurs de la cause animale.

Rob Evans : « Le grand public découvre une opération policière qui durait depuis 40 ans et dont on ne savait rien. »

De son vrai nom Mark Kennedy, « Mark Stone » était en réalité un policier infiltré, membre d’une unité ultra-secrète de la Metropolitan Police, le NPOIU. Doté de moyens financiers considérables, il multiplia également les missions à l’étranger, croisant notamment à partir de 2008 les membres du groupe de Tarnac, quelques mois avant l’arrestation de ces derniers.

Rob Evans : La condition de base d’une bonne infiltration, c’est d’avoir une bonne légende mais on conserve toujours son prénom pour toujours réagir à son prénom.

Outre-Manche où ce documentaire nous mène, la révélation début 2011 de sa trahison a provoqué une onde de choc. Au-delà du dégoût exprimé par ses anciens compagnons de lutte, l’opinion publique s’indigne du choix des groupes surveillés et des méthodes employées par ces officers (manipulations, relations affectives et sexuelles entretenues des années durant avec des cibles, et surtout incitations à commettre des actes délictuels). D’autant que dans la foulée de l’outing de Mark Kennedy, d’autres policiers infiltrés sont démasqués…

Merrick : Les infiltrés racontent tous la même chose de leur passé. Dire qu’on a eu une enfance difficile permet de limiter les questions et de laisser croire qu’ils vous font confiance.

Avec Merrick, ancien compagnon de lutte de Mark Stone ; Donal O’Driscoll, membre de l’Undercover Research Group ; Rob Evans, journaliste au Guardian et auteur du livre Undercover ; Mathieu Burnel, mis en examen dans l’affaire de Tarnac ; Kate Wilson, ancienne compagne de Stone ; Bernard Squarcini, ancien patron de la DCRI (2008-2012)

Avec les voix françaises de Phil Bouvard, Félicien Juttner, Olivier Augrond et Jérome Sandlarz

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